Récit vécu / raconté par Jérémie Lagacé
1er août 2025
Alors que l’anniversaire d’un an du passage de la tempête Debby se pointera le bout du nez le 9 août, c’est l’occasion pour moi de me remémorer et de vous exposer le déroulement des événements vécus. Pour beaucoup de lanaudois, le passage de Debby s’est soldé par des réparations épineuses suite à un mètre et demi d’eau qui s’est accumulé au sous-sol de leur résidence.
Pour moi comme pour les autres résidents du tronçon pas asphalté de la rue Vadnais, dans la Municipalité de St-Cuthbert, le passage de Debby nous a poussé à quitter nos maisons en quelques heures et nous ne sommes jamais retournés y vivre. La nuit du sinistre, la rue qui part du coeur du village pour descendre dans une vallée adjacente à la rivière Chicot s’est presque complètement remplie d’eau de pluie, au point où nous avons dû fuir ma famille et moi, pendant que d’autres résidents sont restés coincés sur leur galerie ou au 2e étage de leur résidence. Certains résidents ont même dû être secourus en hélicoptère le lendemain, l’eau étant toujours trop haute pour s’y rendre à pied ou en voiture.
Le soir même, lorsque nous avons vu l’eau monter au sous-sol et entourer la maison, un peu à la manière de douves qui entouraient les châteaux de l’époque médiévale, ma famille et moi avons fui par la côte à l’arrière de la maison qui remonte vers le cœur du village.
Fuir, mais pour aller où?
Rendus en haut de la côte, nous avons vu passer les pompiers qui agissaient comme premiers répondants pour de multiples appels dans le village et ses environs. Ceux-ci semblaient débordés et ils couraient dans tous les sens ce qui ne nous a pas surpris, nous avions tenté de loger un appel au 9-1-1 plus tôt dans la soirée, mais il n’y avait pas de réponse. Un des pompiers, avec qui nous avons échangé nous a dit que dans les circonstances, nous devions aller au bureau municipal pour déclarer que nous étions sinistrés.
À l’hôtel de ville, un membre du personnel a pris nos informations. Il faut bien comprendre la panique qui régnait dans la municipalité à ce moment-là : nous avons entendu employés et élus discuter de chemins et de ponceaux qui sous la force des pluies étaient effondrés ou en train de céder. Nous avons appris par la suite que sans être enclavée, la municipalité était à ce moment difficile d’accès par certains chemins qu’il fallait rétablir dès que possible.
Pendant ce temps, qui a paru une éternité, nous nous demandions ce qu’il allait arriver de nous et de nos deux enfants. Ce n’est que tard dans la nuit qu’une élue nous a offert de passer la nuit dans la roulotte adjacente à sa résidence. Nous avons squatté chez elle pendant deux jours, avant d’être pris en charge par la Croix-Rouge. Ceux-ci nous ont trouvé une chambre d’hôtel à Berthierville, ville voisine, et nous ont donné des cartes prépayées afin que nous puissions manger et acheter des produits d’hygiène, l’essentiel, la base. Nous n’avions plus rien, tout était resté dans la maison.
Avant de poursuivre, il faut bien comprendre qu’aucun des résidents de la rue Vadnais n’avait la possibilité de retourner vivre chez lui après le sinistre. La rue était dévastée, remplie de débris, les maisons étaient remplies d’eau sale et puante, issues des fosses septiques environnantes. La moisissure s’est rapidement installée, sans compter que l’électricité et l’eau courante ont été coupés pour l’ensemble du secteur.
Accès à l’information, via quel média?
Avant l’hôtel, nous avions accès au monde via nos cellulaires, sur Facebook et via des sites de nouvelles traditionnels. C’est d’ailleurs dans la roulotte que nous avons pris connaissance du programme d’aide mis en place rapidement par le Ministère de la sécurité publique via Facebook. Une fois à l’hôtel, nous avons pu avoir accès à la télé, mais les médias nationaux parlaient peu de la situation ou en parlaient de manière macro avec pour focus ce qui s’est passé dans la métropole. L’essentiel de l’information locale durant le sinistre initial nous est parvenu via les médias sociaux.
Durant les premiers jours du sinistre, que nous croyons d’ampleur à ce moment : est-ce qu’il y en avait d’autres comme nous affectés au point de ne pas pouvoir retourner vivre chez eux? Nous avons rapidement eu le réflexe de contacter directement les députés locaux en les ajoutant sur certaines publications, mais ça n’a pas eu l’effet d’avoir accès à eux ou à leur personnel au moment où nous en avions besoin. Le plus frustrant à ce moment-là est que nous pouvions observer leurs publications (probablement planifiées durant l’été) et que nous avions largement l’impression d’être ignorés malgré notre situation difficile.
La communauté, on peut s’y fier
Durant les quelques jours où nous nous sommes retrouvés à l’hôtel grâce à l’accompagnement de la Croix-Rouge, des gens près de nous, collègues et patrons ont relayé eux aussi notre situation dans la communauté de D’Autray et ont approchés certaines personnes de manière ciblée ce qui a permis de trouver une maison rapidement pour loger notre famille. Comme nous avions perdu 90 à 95% de tous nos biens, beaucoup de gens avec le cœur sur la main de la région mais aussi d’en dehors de la région sont venus nous apporter des dons de toutes sortes. Comme nous n’avions pas d’automobile, les nôtres étant inutilisables, le moteur ayant pris l’eau, et recouvertes d’une épaisse couche de boue sale, quelqu’un de près de nous s’est privé d’une voiture que nous avons conduit tout près d’un mois, question d’être capable de nous nourrir et d’acheter les indispensables, brosses à dents, savons, serviettes… une liste presque infinie lorsque l’on doit tout racheter d’un coup afin d’être juste à même de recommencer à fonctionner le plus normalement possible.